Intervention de Monseigneur Nicolas Souchu, Evêque Auxiliaire de Rennes:

Chers Amis,

Je suis heureux de vous rejoindre dans le cadre de l’Assemblée Générale de l’Association Nationale des Organistes Liturgiques, qui a pour thème : Quelle mission pour l’organiste liturgique dans l’avenir des Communautés Chrétiennes ? Nous sommes toujours là dans le travail commun, l’œuvre publique que constitue littéralement la liturgie. En ce sens dans l’acte liturgique, que vous soyez un organiste chevronné ou encore peu expérimenté, vous faites partie de cet ensemble qui rend gloire à Dieu et qui reçoit de lui sa nourriture pour vivre.

Je viens donc vous encourager dans votre persévérance, vous redire l’importance de ce service que vous exercez et voir avec vous comment peut évoluer le rôle de l’organiste liturgique dans l’avenir des communautés chrétiennes.

I – L’ŒUVRE DE LA LITURGIE

Que nos communautés chrétiennes soient nombreuses ou très réduites, nous avons toujours besoin de faire vivre la liturgie pour qu’à son tour elle puisse nous faire vivre !

Mais je me suis toujours demandé pourquoi cette œuvre commune que constitue la liturgie est parfois si difficile à mettre en place ! Est-ce à cause de la situation de l’orgue qui est indéplaçable (quoique je connaisse au moins un cas d’orgue à tuyaux sur roulettes), ou qui se trouve en tribune pour que le son puisse arriver directement dans le sanctuaire, ou parfois même derrière l’autel avec un système de glaces ou maintenant vidéo pour ne pas être coupé de ce qui se passe dans le chœur ou la grande nef ? Y a-t-il un certain isolement de l’organiste dû certes à la distance de ceux et celles pour qui il joue, mais aussi à la concentration nécessaire entre l’instrument et l’artiste ? Je vous avoue que moi-même je ne suis à l’aise que si je sais que personne ne m’entend jouer !

Je vous cite le n° 120 de la constitution sur la liturgie : « On estimera hautement, dans l’Eglise latine, l’orgue à tuyaux comme l’instrument traditionnel dont le son peut ajouter un éclat admirable aux cérémonies de l’Eglise et élever puissamment les âmes vers Dieu et le ciel. »

Le Concile Vatican II a donné une place toute particulière au côté musical de la célébration en l’intégrant à l’acte liturgique tout entier. La musique fait alors partie intégrante du rite et l’orgue y prend vraiment sa place. L’organiste devient pour sa part un des animateurs de la célébration. Le n° 112 de la constitution dogmatique sur la Sainte Liturgie (Sacosanctum Concilium) précise que la musique sacrée sera d’autant plus sainte qu’elle sera en connexion plus étroite avec l’action liturgique. Ainsi l’orgue (et l’organiste) peut conduire la prière, la soutenir, la prolonger, donner le rythme de la célébration. Ceci nécessite bien sûr d’être bien en liens avec les prêtres et les équipes liturgiques, car même si cela peut paraître astreignant, vous comprenez bien qu’on ne peut pas se contenter d’aller chercher le programme de la liturgie au dernier moment !

En fait, on peut dire que dans la liturgie, l’orgue a deux rôles principaux : il accompagne et soutient le chant de l’assemblée ; il intervient en soliste.

Pour le premier rôle (accompagnement et soutien du chant) on peut dire que l’orgue introduit et prolonge le chant : pour le prélude, il crée une ambiance ; il peut jouer une alternance entre les couplets ; un postlude, même court, permet une belle conclusion. On peut dire également que l’orgue commente la Parole de Dieu. Il suffit simplement de lire les commentaires des versets bibliques des chorals de Jean-Sébastien Bach pour s’en persuader. L’orgue crée simultanément un climat de louange, de supplication, de méditation. Il conduit au silence, à l’écoute, à la prière. En somme, il permet à la liturgie de respirer.

Pour le second rôle (intervention en soliste) il s’agit de donner, de signifier le ton de la célébration, son degré de fête. Vous savez peut-être que durant le carême, dans la liturgie tridentine, il n’y a pas de grand orgue. A l’inverse, j’ai récemment accompagné un jeune évêque le lendemain de son ordination épiscopale : c’était donc sa première messe pontificale. A l’offertoire, l’organiste a joué le choral de Bach : Oh homme, pleure tes lourds péchés. C’est certes un choral magnifique, mais celui-ci n’était pas du tout adapté à la circonstance ! L’organiste soliste peut établir une étroite symbiose entre la Parole de Dieu et la Musique. Tant de motets, madrigaux, arias, lamentos, cantates, oratorios et Passions ont mis en musique les textes de l’Ecriture Sainte.

Ainsi je ne saurais trop vous encourager à acquérir un savoir-faire pour un accompagnement précis, discret, efficace qui invite vraiment à entrer dans la prière.

II – LA SITUATION ACTUELLE

On le sait, surtout dans les zones rurales, le manque de prêtres entraîne une baisse du nombre des messes célébrées et les églises sont de plus en plus nombreuses à être fermées. On peut d’ailleurs s’interroger pour savoir si c’est vraiment le manque de prêtres ou le manque de chrétiens qui crée cette situation ! Mais tel n’est pas mon propos avec vous ce matin. Dans ces églises souvent fermées se trouvent des orgues de qualité, parfois même récemment restaurés. Les communautés chrétiennes doivent donc apprendre à faire vivre ces églises en dehors de l’eucharistie dominicale. On le sait, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de Décembre 1905 attribue une affectation exclusive des églises au culte. S’il n’y a plus de culte, ou si peu, qu’en sera-t-il ? On le sait aussi, nombreuses sont les municipalités qui font de réels efforts de présentation et de mise en place du patrimoine. Si l’Eglise n’est pas utilisée pour le culte, la tentation est grande d’en faire une salle de concert ! Là aussi il est bon de rappeler qu’aucun concert ne peut se dérouler dans une église sans l’accord explicite de l’affectataire.

Dans ce contexte l’organiste liturgique doit avoir un rôle à jouer, une mission même qui déborde ce simple service liturgique. Ne serait-ce que par le lien entre cultuel et culturel, l’orgue et l’organiste peuvent être placés au cœur de la problématique.

Ceci, vous le comprenez bien, va obliger l’organiste à avoir davantage de liens avec la communauté chrétienne qui devra comprendre elle aussi l’intérêt de cette collaboration. Car il ne s’agit pas là d’entrer dans un schéma liturgique préétabli qui pouvait permettre que chacun reste bien dans son pré-carré ! Il s’agit au contraire d’être davantage partie-prenante de la vie liturgique de la communauté chrétienne afin d’assurer un service musical qui soit vraiment digne de ce nom.

III – EUCHARISTIE – ASSEMBLEE – DIMANCHE

Pour avancer dans cette question (quelle mission pour l’organiste liturgique dans l’avenir des communautés chrétiennes ?) je voudrais développer une trilogie que nous devons au Frère Patrick Prétot, Directeur de l’Institut Supérieur de Liturgie, et qui éclaire actuellement la réflexion dans le Diocèse de Rennes, Dol et Saint Malo.

Cette trilogie a été présentée par une Petite Sœur des Pauvres, membre de la Commission Diocésaine de Pastorale Liturgique et Sacramentelle, aux curés du Diocèse de Rennes. J’ai repris les grandes lignes de son intervention avec son autorisation.

Une relecture des expériences vécues ici et là dans les vingt dernières années, fait apparaître qu’elles sont souvent le fruit d’un choix privilégiant l’un des trois pôles de la vie paroissiale :

L’Eucharistie : certains privilégient la messe, « source et sommet de la vie de l’Eglise », en relativisant le rassemblement paroissial ou encore la spécificité du dimanche. Ils proposeront volontiers de s’associer à la messe télévisée, voire de célébrer la messe du dimanche en semaine et surtout ils choisiront d’aller à la messe en fonction de leurs aspirations ou des opportunités.

L’Assemblée : ceux qui mettent en avant la nécessité de réunir des assemblées locales qui soient localement un signe de la foi chrétienne, insisteront sur l’importance de la vie communautaire et préfèreront des célébrations conviviales où peuvent s’exprimer les attentes du groupe et où la vie quotidienne peut être assumée dans la fraternité.

Le Dimanche : d’autres enfin privilégient le dimanche comme jour spécifique de repos et de vie familiale au moment où les pressions économiques mais aussi les impératifs d’une civilisation des loisirs fragilisent les équilibres humains et familiaux. A leurs yeux, puisque « le sabbat a été fait pour l’homme » (Mc 2,27), la sanctification du dimanche passe d’abord par une manière de vivre la charité envers le prochain en habitant le temps plus humainement.

Dans la Tradition :

Replacer la question dans la «catholicité» de l’Eglise

Mais on ne peut discerner seulement en échangeant des opinions même si l’on se donne pour règle d’accueillir avec bienveillance le point de vue de l’autre. Il faut encore se donner des repères pour opérer un jugement sur l’ensemble des positions. Le recours à la Tradition est décisif. Nous ne sommes pas les premiers à discerner ce qu’il convient de faire.

Dans son histoire, l’Eglise a été confrontée à une grande diversité de situations à travers lesquelles elle a recherché les repères de sa fidélité évangélique :

Quelques exemples qui se rapportent à chaque aspect énoncé plus haut (eucharistie – assemblée – dimanche) permettent de nous situer dans une histoire et d’affronter les défis actuels avec plus de confiance :

–         Le dimanche n’a pas toujours été un jour férié : ce fut le cas pendant les trois premiers siècles de l’Eglise.

–         Les catholiques de Corée ont pu maintenir pendant des années, au début du XIXe siècle la flamme de la foi pascale alors qu’ils ne pouvaient célébrer l’Eucharistie faute de prêtre.

–         Aujourd’hui même, les communautés d’Afrique du Nord célèbrent le Christ ressuscité à travers des rassemblements limités composés en majorités d’étrangers et dont le rayonnement ne se mesure pas à la visibilité.

Eucharistie – Assemblée – Dimanche : trois réalités inséparables

Or, au sein même de ces situations et par-delà tous les aléas de son histoire, la Tradition de l’Eglise est cependant constante pour affirmer que Eucharistie – Assemblée – Dimanche sont, dès l’origine, organiquement associés et fondamentalement inséparables. Sacrosanctum Concilium résume ainsi cette affirmation :

«L’Eglise célèbre le mystère pascal, en vertu d’une Tradition apostolique qui remonte au jour même de la résurrection du Christ, chaque huitième jour, qui est nommé à bon droit le jour du Seigneur, ou dimanche. Ce jour-là, en effet, les fidèles doivent se rassembler pour que, entendant la parole de Dieu et participant à l’Eucharistie, ils se souviennent de la passion, de la résurrection et de la gloire du Seigneur Jésus, et rendent grâces à Dieu qui les “a régénérés pour une vivante espérance par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts” (1P 1,3)» (n° 106).

Propositions pour aujourd’hui

Nous avons fonctionné souvent, jusqu’ici, en termes de remplacements, de vides à combler ; nos actions pastorales partent trop souvent d’un constat négatif – la baisse du nombre des prêtres, la raréfaction des fidèles, l’absence des jeunes…

Peut-être faut-il maintenant «changer de regard» pour repartir de nos richesses ; celles que nous offrent la tradition de l’Eglise et celles qui existent aujourd’hui dans notre diocèse.

D’autre part, après tant d’années de tâtonnement quant aux formes et aux modalités de la vie paroissiale – avec des expériences riches de nouveauté, mais parfois déstabilisantes pour les fidèles – il est urgent aussi de réfléchir à une certaine harmonisation et une stabilisation des pratiques diocésaines en ce qui concerne le rythme et les modalités du dimanche dans les paroisses.

Les tensions que nous avons mentionnées dès l’abord peuvent être source de dynamisme si nous continuons à les maintenir. Essayons de les énumérer :

  1. a) L’idéal du dimanche en paroisse – la messe rassemblant tous les membres de la paroisse autour du curé, chaque dimanche dans l’église du village – schéma désormais impossible à tenir, est sans doute un modèle qui a eu sa grandeur mais qui risque d’empêcher de penser le présent.
  2. b) Toutefois, nous ne pouvons choisir l’un des trois pôles – Eucharistie, Assemblée, Dimanche – en sacrifiant les deux autres. De ce point de vue, il est essentiel aujourd’hui d’affirmer avec force que «l’Eucharistie ne se remplace pas», car elle est source et sommet de la vie chrétienne.
  3. c) En même temps, on ne peut se résoudre à «créer quelques oasis de vie chrétienne au milieu d’un ensemble abandonné au désert spirituel». La vie des communautés locales s’exprime au quotidien dans l’action au milieu des hommes mais aussi dans des célébrations qui sont signe dune «Eglise qui célèbre et qui prie».
  4. d) L’éclatement des réalités sociales implique des solutions diversifiées : ce qui peut être bon en ville ne l’est pas forcément dans les secteurs ruraux.

Une clé pour le discernement

S’il est impossible de renoncer à l’une de ces dimensions Eucharistie, Assemblée et Dimanche, pour tenir les autres, il faut dire aussi qu’il est possible de les tenir de manière différenciée c’est-à-dire de ne pas les tenir partout en même temps et de la même manière.

La clé de l’édifice consiste à cultiver la mémoire hebdomadaire du mystère pascal car nous ne pouvons demeurer chrétiens sans cette réactivation permanente de la mémoire du salut en Jésus-Christ. Cette mémoire s’exerce au plus haut point dans la célébration de l’Eucharistie. Toutefois, l’Eucharistie ne peut apparaître comme sommet, si elle constitue, comme c’est souvent le cas, la seule manière de célébrer au risque d’appauvrir notre expérience de la liturgie.

Favoriser le rassemblement eucharistique

En cherchant à redéfinir les lieux ou «pôles rayonnants» les plus propices au rassemblement eucharistique et en réfléchissant sur les moyens d’aider les fidèles à s’y rendre.

Ceci pose les questions très concrètes des facilités d’accès à l’église (réseau routier, parking, présence de commerçants…), de l’entraide pour le déplacement des personnes âgées ou à mobilité réduite, de la mobilisation des fidèles (qui est plus une question de conviction à insuffler que de moyens à fournir). Le bon choix des lieux, la simplicité et la stabilité du dispositif ont une grande importance, sachant qu’il faut compter sur le temps pour que les habitudes se prennent.

Ces lieux doivent permettre de rendre significatif le rassemblement chrétien en lui donnant sa dimension ecclésiale. Il doit manifester la célébration de l’Eucharistie comme « source et sommet » de toute la vie chrétienne et de toutes les activités paroissiales qui, tout à la fois y puisent leur sève et y trouvent leur accomplissement profond.

Articuler la célébration de l’eucharistie avec une vie liturgique plus large

Pour retrouver cette diversité liturgique qui accorde la première place à la messe, et conserver aux communautés locales leur vitalité, le trésor de la Tradition offre la richesse de nombreuses pratiques qui doivent être encouragées pour faire face aux besoins actuels. En aucun cas il ne faudrait qu’elles miment la liturgie eucharistique ou ne soient comprises comme un «substitut» à la messe, mais y conduisant. Ainsi, la redécouverte de l’adoration eucharistique, la permanence de la prière du chapelet ; le regain des grands rassemblements, pardons, pèlerinages… ; les groupes de prière ou mouvements de spiritualité sont autant de pratiques qu’il faut encourager tout en cherchant leur articulation avec le grand courant de la liturgie, et en particulier la liturgie eucharistique.

Toutefois, parmi cette diversité des formes de la prière commune, l’Eglise privilégie deux actions – liées chacune au sommet qu’est l’Eucharistie – comme réalisant un autre mode de présence du Christ à son Eglise : ce sont les célébrations de la Parole et la Liturgie des Heures.

«Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Eglise les Saintes Ecritures. Enfin il est là présent lorsque l’Eglise prie et chante les psaumes, lui qui a promis: “Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux” (Matth. 18, 20)» (SC 7).

Retrouver la liturgie des Heures

Elle est surtout la prière officielle de l’Eglise, et donc la prière de tous les baptisés. Comme le souligne la Présentation générale de la liturgie des heures, elle «est l’une des fonctions principales de l’Église» (n. 1) et la «prière de l’Eglise avec le Christ et adressée au Christ» (n. 2). Dès lors, elle se trouve en relation essentielle avec l’Eucharistie puisqu’elle «étend aux différents moments de la journée la louange et l’action de grâce, de même que la commémoration des mystères du salut, la supplication, l’avant-goût de la gloire céleste qui sont contenus dans le mystère eucharistique, “centre et sommet de toute la vie de la communauté chrétienne”» (n. 12).

L’assemblée locale se trouve ainsi «à l’unisson de l’Eglise» qui prie à travers le monde. Cette prière liturgique qui prend appui sur les psaumes où s’expriment tous les sentiments qui habitent l’humanité (de la haine à l’amour, des cris de désespoir aux cris de confiance, de la supplication à l’action de grâce) est une véritable école de prière pour les fidèles. Grâce à celle-ci l’assemblée n’a pas à réinventer à chaque fois sa prière ce qui évite les dérives de la subjectivité et facilite le travail des équipes liturgiques. Par ailleurs, la liturgie des heures offre une grande souplesse permettant de s’ajuster à la taille de l’assemblée et aux moyens disponibles, de prendre en compte les situations particulières tant au niveau de la communauté que des personnes.

Bien sûr cette proposition est encore trop peu connue même si de nombreux chrétiens participent aux offices des communautés religieuses ou monastiques. Sans précipitation, la mise en place de telles célébrations implique de former les animateurs, de redécouvrir les psaumes et la psalmodie, d’équiper les lieux de culte des moyens nécessaires (psautier, recueil de chants et de prières). Surtout lorsque l’assemblée est petite, il est nécessaire d’habiter autrement l’espace. La célébration des heures lors des rassemblements diocésains favorisera cette redécouverte en tenant un rôle de formation et de diffusion à l’intérieur du diocèse.

Développer des liturgies de la Parole

A côté de la liturgie des heures, il est souhaitable de déployer des célébrations de la Parole, notamment la veille des grandes fêtes, c’est-à-dire une écoute méditative et prolongée de la Parole de Dieu. Là encore, elles ne doivent pas mimer le modèle de la messe mais avoir leur consistance propre. Pour ce faire, la tradition nous offre deux modèles :

–         Celui de la Vigile pascale (Lecture – psaume – oraison),

–         Celui de l’Office des lectures.

Les deux formes se rapportent à ce que la tradition spirituelle appelle Lectio divina, une lecture aimante et priante des Ecritures, reçues non comme savoir ou information, mais commeparole adressée : lectio – meditatio – oratio – contemplatio. Cette pratique chère à la tradition de l’Eglise est, de plus, une excellente préparation à la liturgie eucharistique dans laquelle se vit, d’une certaine manière, le même mouvement porté à son accomplissement : la Parole écoutée dans les lectures, méditée dans l’homélie, retournée à Dieu dans la prière eucharistique, s’accomplit pour nous dans l’aujourd’hui du sacrifice eucharistique où nous l’expérimentons comme Parole donnée en nourriture pour notre salut.

Articuler les moments et lieux de célébration

Afin d’éviter de mettre en «concurrence» la messe avec d’autres types de célébration et pour que l’Eucharistie demeure visiblement le sommet de la vie chrétienne, les autres propositions doivent viser à conduire tous les chrétiens qui le peuvent vers ce sommet eucharistique.

Concrètement, c’est un aménagement des horaires qui devrait rendre possible l’articulation entre des rassemblements locaux et la messe paroissiale.

CONCLUSION

Ce rapide parcours nous montre les enjeux ecclésiaux et ses conséquences musicales. Le fait que la célébration de l’eucharistie dominicale ne puisse se dérouler partout ne doit pas nous conduire vers une situation du tout ou rien.

Le tout, c’est la célébration de l’eucharistie ; le rien, c’est : puisqu’il n’y a pas la possibilité de célébrer l’eucharistie, il n’y aura donc pas de célébration du tout.

Nous avons essayé de passer en revue les diverses possibilités qui s’ouvrent à nous. Sur le plan des orgues et des organistes, je pense qu’il en est de même : c’est-à-dire qu’il ne faut pas passer du tout (la célébration de la messe) au rien, sous prétexte qu’il n’y a pas de messe.

Une célébration de la liturgie des heures (laudes ou vêpres) peut très bien être soutenue et accompagnée par l’orgue, ainsi qu’une célébration autour de la Parole de Dieu.

Mais, nous le sentons bien, cela demandera davantage à la fois de souplesse et de rigueur :

. Davantage de souplesse car, contrairement à la célébration de l’eucharistie qui a ses normes, une célébration autour de la Parole par exemple, peut-être construite à l’aide de divers éléments et l’organiste peut y apporter son concours en proposant de nouvelles idées de mise en œuvre.

. Davantage de rigueur : si la célébration régulière de la messe ne peut pas se réaliser, il conviendra à l’organiste d’être plus rigoureux s’il ne veut pas être le parent pauvre ou même oublié d’un autre style de célébration. Cela exigera pour lui d’être davantage en lien avec les équipes liturgiques et les curés des paroisses.

Car il convient que les églises qui sont affectées au culte ne deviennent pas uniquement des salles de concert ; et, nous l’avons déjà dit, l’organiste est bien placé au cœur du cultuel et du culturel. D’une certaine façon, il faut qu’il soit crédible sur ces deux aspects.

L’organiste, et particulièrement l’organiste liturgique, est là pour servir. Dans la foi c’est une mission de baptisé. Il est donc partie prenante de la vie d’une ou plusieurs communautés chrétiennes dans laquelle (lesquelles) il apporte sa part pour que celle(s)-ci puisse(nt) célébrer la foi en Jésus-Christ et en témoigner.

Je vous remercie de votre attention.

+ Nicolas SOUCHU
Evêque Auxiliaire de Rennes